Dany Hadjadj (1939-2023), le regard et la mémoire
Dany Hadjadj, professeure émérite de l’Université Blaise Pascal et membre du Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS – UR 4280), s’est éteinte à Royat le 13 février 2023, à l’âge de 84 ans.
Née Pailler en 1939 à Celles-sur-Durolle, non loin de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, d’un père instituteur et d’une mère couturière, elle est restée toute sa vie fidèle au terroir des bords de cette Durolle de ses origines, qu’elle a choisi comme dernière demeure. Après avoir fréquenté le collège de Courpière, elle poursuit ses études dans la capitale auvergnate, à l’École normale d’institutrices puis à l’université Blaise Pascal, jusqu’au concours de l’agrégation de lettres modernes. La rencontre avec celui qui deviendra son mari, Mohammed « Max » Hadjadj, l’entraînera de l’autre côté de la Méditerranée, peu de temps après l’indépendance de l’Algérie, à Tizi Ouzou puis à Alger, où elle enseignera avec une égale passion. De retour en France après le coup d’État d’Houari Boumediene en juin 1965, elle est nommée professeure au Lycée de Presles, à Vichy, et poursuit son parcours à l’université Blaise Pascal où elle effectuera la plus grande partie de sa carrière. Titulaire en 1985 d’une chaire de Professeure de linguistique, elle achèvera sa carrière d’enseignante en 1996, mais poursuivra longuement ses activités de recherche en équipe, au Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines, devenu Centre de recherches sur les littératures et la sociopoétique (Celis), avec l’appui de l’équipe « Lumières et Romantismes ».
Ses recherches témoignent de sa passion pour la linguistique, en particulier pour les langues vernaculaires, et la littérature. Après une thèse de linguistique consacrée aux Parlers du pays de Thiers, elle publie deux ouvrages majeurs en lexicologie et sociolinguistique : Parlers en contact aux confins de l’Auvergne et du Forez. Étude sociolinguistique (Presses universitaires Blaise Pascal, 1983) et Pays de Thiers. Le regard et la mémoire (Presses universitaires Blaise Pascal, 1999). Elle sera également l’une des promotrices de nouvelles filières telles que le « français langue étrangère » (Fle), à la Faculté des Lettres, ou encore le Centre d’approches vivantes des langues et des médias (Cavilam) à Vichy. Ses recherches en littérature s’orientent vers des auteurs régionaux dont elle s’emploiera à éclairer et mettre en valeur l’œuvre. Longtemps directrice du Centre Henri Pourrat, elle organisa en 1987 avec Michel Lioure et Bernadette Bricout un colloque consacré à Henri Pourrat et le trésor des contes, dont les actes seront publiés sous sa direction dans les Cahiers Henri Pourrat, en 1988. Elle contribua également à la reconnaissance internationale de l’œuvre romanesque d’Alexandre Vialatte en organisant au Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines, avec Christian Moncelet, en 1997, le colloque Alexandre Vialatte au miroir de l’imaginaire, dont les actes seront publiés aux Presses universitaires Blaise Pascal en 2003. Les articles sur ses auteurs de cœur sont nombreux et remarquables. Elle se distinguera enfin, durant deux décennies, par la coordination d’une équipe universitaire internationale en vue de l’édition de la Correspondance Alexandre Vialatte-Henri Pourrat (1916-1959) : neuf tomes parus aux Presses universitaires Blaise Pascal de 2001 à 2022. Cette réalisation de grande ampleur sera couronnée en 2016 par le Prix Sivet de l’Académie Française, hommage mérité à ses qualités exceptionnelles de chercheuse et de directrice d’équipe.
À ses collègues, à ses élèves, ses ancien.ne.s étudiant.e.s, Dany Hadjadj laisse le souvenir ému de la plus grande exigence intellectuelle associée à une passion, une chaleur et une humanité hors du commun. Beaucoup de celles et ceux qu’elle fréquenta dans le cadre de ses enseignements et de son travail devinrent des ami.es, dont la cohorte s’augmentait au fil des années. Sa collègue et amie de toujours, Simone Bernard-Griffiths, témoigne de la manière dont la maison familiale, « Montchalamet », à Royat, fut transformée en lieu d’accueil chaleureux, « une communauté familiale et amicale, un asile vernaculaire où chaque bénéficiaire de son hospitalière générosité pouvait, selon ses besoins et ses humeurs, trouver le repos, le réconfort, voire un refuge propice au déploiement d’une activité intellectuelle paisible dans la fraîcheur de la campagne auvergnate au volcanisme pacifié. »
L’Université Clermont Auvergne, son président, la doyenne de l’UFR Lettres, ses collègues et ami.es s’associent à la peine de ses proches, de ses enfants, Lynda, Samy et Yann, et petits-enfants dont elle était si fière. « Le regard et la mémoire » de Dany Hadjadj restent vivants, du Boulevard Gergovia à la rue Ledru, de la Faculté des Lettres à la Maison des sciences de l’homme.